La croissance démographique très importante, supérieure à la croissance économique, nuit au bien-être de la population nigérienne.

La planification familiale au Niger

La contraception moderne est encore très peu répandue au Niger, surtout dans les campagnes.

Le Ministère de la Santé Publique a adopté un plan pluriannuel (2012-2020) pour contribuer à la maîtrise de la croissance démographique par la promotion de la planification familiale. L’objectif est de passer d’un taux de 11 % de prévalence contraceptive moderne à 50 % à travers trois axes stratégiques renforçant la planification familiale

  • renforcement de l’offre dans les services de santé
  • renforcement de la demande par l’éducation et la sensibilisation
  • promotion d’un environnement favorable.

Sa mise en oeuvre nécessite la mobilisation de moyens importants.
La sensibilisation au planning familial fait partie d’un projet plus global Santé de la mère et de l’enfant.
Il est cofinancé par la Région Bretagne, le CD 35 et la ville de Cesson Sévigné ; le SDE35 soutient la partie électrification des cases de santé ; l’AELB et le CEBR financent le volet assainissement avec la construction de latrines dans les centres de soins intégrés et les cases de santé.

Malgré le coup d’État du 26 juillet 2023 et la suspension de toutes les aides de l’Etat français, les collectivités locales bretonnes ont choisi de soutenir toutes les actions engagées pour la période 2023-2024.

Les animatrices de Tarbiyya Tatali

Une animatrice spécialisée a été recrutée en novembre 2015 sur les fonds propres de l’AESCD. Elle est chargée de renforcer la demande contraceptive par l’éducation et la sensibilisation. Les structures de santé de leur côté (CSI et cases de santé) sont mobilisées pour faire face à la demande.

Elle a commencé par prendre contact avec les groupes Epargner pour le Changement, qui restent très actifs à Dankassari malgré l’arrêt du financement par la Fondation Stromme.

Elle visite tous les villages de la commune rurale de Dankassari pour des réunions de sensibilisation. Elle a pour but l’identification et la formation de personnes relais dans les villages.

Son premier objectif est la lutte contre les mariages précoces (avant 18 ans) et les premières grossesses survenues avant 19 ans. Son second objectif est l’amélioration du bien-être des femmes et des enfants par l’espacement des naissances et l’utilisation des méthodes contraceptives modernes. Son troisième objectif est de contribuer à une évolution des mentalités, notamment chez les hommes. Son quatrième objectif est de sensibiliser la population pour qu’elle fasse le lien entre le développement économique et humain du Niger et la maîtrise de la démographie.

Une deuxième animatrice a été recrutée en 2018 pour les villages de Dogondoutchi, les frais sont partagés entre l’AECIN et l’Association d’Echanges entre Orsay et Dogondoutchi.

Formations, pagivoltes et sketches filmés

Formations

Des formations de personnes relais sont organisées pour les femmes et les hommes identifiés par les deux animatrices. Initialement de trois jours et consacrées aux méthodes modernes de contraception, elles ont été portées à quatre jours pour permettre d’aborder également la thématique de la scolarisation des filles.

Un renforcement de formation de trois jours est également organisé, avec pour but d’échanger autour d’un retour d’expérience sur leur pratique dans les villages et de vérifier que les connaissances précédentes ont été assimilées.

A Dankassari, les formations sont financées par l’AESCD dans le cadre du programme « Progresser vers les Objectifs du Développement Durable dans les villages de Dankassari » et des programmes suivants en 2018-2020 et .2021-2023. C’est ainsi que 86 femmes et 24 hommes relais ont reçu une première formation financée par l’AESCD : 30 femmes en 2017, 30 femmes en 2018, 26 femmes et 24 hommes en 2020. Un complément de formation a été apporté à 30 femmes en 2021 , la formation a été retardée du fait de l’interdiction des actions de formation par le gouvernement nigérien à cause du COVID. Elle a finalement eu lieu du 5 au 7 mars 2021, avec la participation des deux animatrices de planning familial. D’autres compléments de formation ont eu lieu pour 56 femmes et 24 hommes en 2022.

A Dogontouchi 120 femmes relais ont reçu une première formation financée par l’association Orsay Doutchi
60 en novembre 2019. 30 en 2020 et 30 femmes en 2021.

En 2023, 30 hommes relais ont été formés à Dogontouchi et les 60 femmes relais initialement formées en 2019 ont suivi une session de recyclage.
Les deux animatrices de Dankassari et Dogondoutchi ont également fait une formation de mise à jour des connaissances, avec les deux animatrices nouvellement recrutées à Dogonkiria et Matankari, créant ainsi un réseau.

Outils : pagivoltes et sketchs filmés
A la demande des personnes formées, une boite à images (jeu de 27 pagivoltes) a été réalisé, ainsi que quatre sketchs filmés « Akwai Magana ! On va en parler ! »
Devant le succès rencontré par ces films très pédagogiques, quatre nouveaux sketchs traitant de thématiques complémentaires ont été réalisés : Akwai Magana ! On va en parler ! (saison 2).
La boîte à image est utilisée en permanence par les animatrices.
Lors des formations les boîtes à images sont distribuées pour permettre à chaque village d’en avoir un sur place.

Premiers résultats

Les efforts faits pour un changement de mentalité se traduisent dans les statistiques. Selon l’Enquête Démographique et de Santé du Niger 2017, l’indice de fécondité est passé de 7,6 en 2012 à 6,0 enfants par femme en 2017. La baisse est plus importante dans la région de Dosso ­ à laquelle appartiennent Dankassari et Dogondoutchi ­passant de 7,5 à 5,7 enfants par femme.

De 2018 à 2020, l’animatrice Maimouna Kadi a rencontré en tout plus de 11 000 personnes, dont environ 35 % d’hommes dans la commune rurale de Dankassari, dans plusieurs dizaines de villages. Elle a fait par ailleurs partie de la tournée pour la sensibilisation à l’état-civil de début janvier 2021 ce qui lui a permis de se rendre dans des zones difficiles d’accès où elle ne peut se rendre en moto telle que Karki Malam. De 2021 à 2023 elle a visité 5 villages à trois reprises tous les mois, rencontrant en moyenne de 300 à 400 personnes par mois, en majorité des femmes. L’accent est mis sur la visite des villages excentrés et non encore visités.

Travaillant en contact avec l’infirmière chef du Centre de Santé Intégrée (CSI) de la commune de Dogondoutchi, l’animatrice Rekia Toumane a visité en 2018 un certain nombre de villages du département de Dogondoutchi et a vu en tout plus de 2300 personnes en huit mois, soit une moyenne de près de 300 personnes par mois, dont environ 40 % d’hommes. En 2019, elle a visité 25 autres villages de Dogondoutchi soit en moyenne 5 villages par mois à raison de 3 séances par villages (15 séances mensuelles), avec un ou deux thèmes traités à chaque fois.

En 2020, Rekia Toumane a poursuivi ses visites et a rencontré au total 3540 personnes dont 2260 femmes et 1280 hommes.

Entre 2019 et 2023, elle a visité au total 47 villages de Dogondoutchi à raison de 5 villages par mois au cours de 3 séances par village (15 séances mensuelles), avec un ou deux thèmes traités à chaque fois. Cela représente un total de 20 500 personnes dont 33 % d’hommes.

Extension aux communes de Matankari et Dogonkiria

En Février 2024, l’équipe des animatrices, s’est agrandie avec la prise de fonction de deux nouvelles animatrices pour les communes de Dogonkiria et Matankari, grâce à un financement de l’Agence Française de Développement géré par le RAIL. Des missions de suivi régulières des quatre animatrices sont faites par les personnes de santé et les chargés de mission du RAEDD et du RAIL. Les animatrices font un rapport mensuel, il apparaît que chacune d’entre elles rencontre chaque mois plus de trois cents personnes (deux tiers de femmes et un tiers d’hommes) dans cinq villages différents.

L’activité est maintenant menée par le RAEDD et le RAIL (Réseau d’Appui aux Initiatives Locales) avec comme partenaires l’AECIN, l’AESCD et l‘association d’Échanges Orsay-Doutchi. Un compte commun est géré par le RAIL et le RAEDD et une réunion trimestrielle de l’ensemble des partenaires par WhatsApp permet de faire le bilan et de prendre les décisions d’un commun accord.

A Dogondoutchi et Dankassari, les animatrices supervisent lors des réunions dans les villages visités les animations menées par les personnes relais (la plupart du temps des femmes, mais aussi des hommes) identifiées par elles précédemment et formées à cet effet. Les personnes relais utilisent comme moyens de communication une boite à image (des pagivoltes illustrés plastifiés) dont elles sont équipées à demeure et continuent la sensibilisation à différentes occasions de la vie villageoise telles que cérémonies de mariages, de baptêmes, au niveau des points d’eau, sous l’arbre à palabre, lors des réunions des groupement féminins…. A Matankari et Dogonkiria les animatrices travaillent lors de de leurs animations à identifier des personnes relais qui seront formées début 2025 et munies également de pagivoltes.

Six personnes, les quatre animatrices et les deux chargés de mission du RAEDD et du RAIL ont été équipées de tablettes numériques et formées à leur utilisation par des membres de CulturePlus. Lors de la formation chaque personne a reçu un kit composé d’une tablette professionnelle de marque Samsung accompagnée des accessoires de protection (un antichoc et une pochette), une clé USB, un adaptateur USB, et un poste radio. Dans chaque tablette, il a été installé les huit petites vidéos Akwai Magana (saison 1) ! On va en parler ! et Akwai Magana ! On va en parler ! (saison 2)., ainsi que Lougu a enfin de l’eau/Ruwa falala Lugu et Trio de filles à Dankassari. De plus les pagivoltes et la brochure Ma santé et mes droits d’adolescent(e), ce que je dois savoir en français et en haoussa ont été installés sur les tablettes. Après deux jours de formation, assurée par l’association CulturePlus, l’utilisation du matériel était bien maîtrisée. Ce nouvel outil se révèle précieux dans les visites des animatrices dans les villages.

Grâce au financement de la Région Bretagne en 2023-24 et du conseil départemental Ille et Vilaine (CD 35) en 2023, l’AECIN et l’AESCD ont pu assurer le salaire des animatrices de Dogondoutchi et de Dankassari. Malheureusement, le financement espéré de la part du CD 35 n’a pas été obtenu en 2024, le Niger n’étant plus éligible à leur appel à projet, et c’est avec des ressources inférieures aux prévisions que l’action planning familial s’est poursuivie. Elle se terminera à la fin de l’année 2024 pour les missions mensuelles des deux animatrices de Dogondoutchi et Dankassari. La mutualisation des fonds entre l’AECIN, l’AESCD et l’association d’Échanges Orsay-Doutchi, financée par l’AFD et le Conseil Départemental 91 a permis toutefois de réaliser le programme prévu pour l’année 2024, notamment les formations de recyclage des 60 personnes-relais de Dogondoutchi qui ont eu lieu en mai 2024, et les formations pour deux groupes de 30 nouvelles personnes-relais des villages des communes de Dogondoutchi et Dankassari qui seront réalisées au cours du dernier trimestre 2024.

Maimouna Kadi